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L'horizon n'est pas encore dégagé

Même si la campagne passée aurait pu être bien pire, au niveau des livraisons les fabricants de fertilisants peinent à voir le bout du tunnel. Certes, les prix tendent à repartir à la hausse, mais il n'y a guère d'espoir à moyen terme. De surcroît, la réglementation tend à se durcir pour l'urée et les phosphates.

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Il y a pile un an en arrière, les industriels faisaient face à une situation inédite, conséquence d'une récolte céréalière épouvantable. Mais au final, l'atterissage de la campagne 2016-2017 s'avère bien moins lourd qu'annoncé. Hors amendements minéraux basiques (AMB), les livraisons d'engrais minéraux ne reculent que de 1 % sur un an, à 8,86 Mt. Une « performance » due à la progression de 1 % de l'élément azote (malgré des reliquats hors-normes) qui, de par son poids dans la fertilisation minérale française, compense le recul de 10 % du phosphore et de 4 % du potassium (bien loin des - 30 % envisagés). Ce qui, in fine, est presque habituel. Certes, tous les produits ne sont pas logés à la même enseigne. Les engrais binaires PK (- 16 %) ou les AMB (- 17 %) sont victimes d'un désinvestissement massif. Les éléments magnésium (- 14 %) et le soufre (- 11 %), pourtant en vogue ces dernières années, pâtissent également de la situation. En NPK, la surcapacité guette. Ce qui amène Yara France à se poser cette question : « Le marché se resserre de plus en plus, et il y a toujours le même nombre d'intervenants, s'interroge Audric Chauveau, responsable marketing chez Yara France. C'est qu'il doit y avoir une ou deux usines en trop. » L'atelier NPK de Montoir-de-Bretagne ne veut pas être de celles là... Du côté des biostimulants, Biovitis avoue avoir vu ses ventes ne progresser que de 4-5 % contre 12-15 % en général, ce rythme semblant repartir pour 2017-2018. Le spécialiste confirme ainsi laconstruction d'une seconde usine qui ouvrira dans le Puy-de-Dôme mi-2018.

L'urée soutient les achats

De l'avis de tous les intervenants, 2016, avec des prix au plus bas, des ventes stoppées net pendant quelques mois après la récolte, est une année à oublier. La campagne en cours se présente sous de meilleurs auspices. Henri Boyer, vice-président de l'Unifa et président du directoire de Roullier, rapporte une anticipation des distributeurs, en lien avec une certaine fermeté des prix des engrais phosphatés. « Ce qui ne signifie pas que les consommations seront en hausse. » « C'est la première fois depuis trois-quatre ans que le début de campagne est aussi dynamique », relève Jean-Luc Pradal, DG de Fertiberia France, satisfait d'avoir 2016-2017 derrière lui. L'entreprise avait vu son CA passer de 33 à 19 M€. « En azote, ajoute Thierry Loyer, président de l'Unifa, les carnets de commandes sont plutôt en avance car l'urée est sur une tendance haussière » : de 223 début août à 275 $/t fin octobre Fob Chine, et de 207 à 300 $/t Fob Egypte (fournisseur n°1 pour l'Europe). Une augmentation des prix que pas grand monde n'a vu venir. Pour Hans Olav Raen, directeur des ventes chez OCI Nitrogen, qui annonce revenir en force pour récupérer ses parts de marché perdues en Europe, « les exportations chinoises d'urée se réduisent chaque année ». En cause : le renchérissement du charbon en tant que matière première, un marché domestique privilégié et la fermeture de capacités liée à la politique chinoise environnementale. Quant à l'Inde, premier importateur, elle est beaucoup plus aux achats, après avoir été très en retard. « Il est encore possible que les cours prennent 20 $/t, envisage Hans Olav Raen. Ensuite, il y aura peut-être une correction, mais on ne redescendra pas à 220 $/t. » Cette appréciation des prix se répercute un peu moins sur la solution azotée, pour laquelle le marché français est couvert à 80 %, que sur l'ammonitrate. Chez Borealis, où l'on sort d'un arrêt réglementaire de quatre mois à Grandpuits, le directeur commercial, Renaud Bernardi, confirme : « Voyant la remontée brutale des prix, les distributeurs ont poursuivi activement leurs achats en septembre-octobre. »

Un état d'esprit bien meilleur

« Ils ont d'ailleurs couvert le premier apport voire le second en partie. En NPK, on a également une visibilité dans les carnets de commande. » S'il constate que la dynamique et l'état d'esprit sont bien meilleurs, il ne s'y trompe pas : « Les fondamentaux restent fragiles. » Passée cette légère bouffée d'oxygène pour les producteurs d'engrais, « le bas du cycle devrait se prolonger à moyen terme, analyse Thibault Martinsegur, consultant chez CVA. En raison des augmentations prévues de capacités (en N, P et K), l'offre mondiale devrait augmenter deux fois plus vite que la demande ». Pas de quoi vraiment sortir la tête de l'eau.

DOSSIER RÉALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX

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